On est allés à tes obsèques. On a failli arriver en retard, imagine. Mais tu avais du retard aussi m’a t on dit.
Il y avait ma sœur. Il y avait l’autre folle. Je la gardais à l’œil. J’appréhendais de savoir comment la rencontre se passerait. Tout le monde attendait contre le mur du cimetière. Puis C. est venue vers moi les yeux rougis et pleins de larmes et a dit “oh la la c’est chaud, c’est chaud.” Je l’ai consolée en la prenant dans mes bras.
J’étais soulagé de la tournure que prenaient les choses. De ne pas me sentir piégé, forcé de saluer la folle.
Puis j’ai vu des cousins et des cousines que je suis allé embrasser.
Puis mon père puis ma mère.
Puis ma mère a dit : “Pascal, ta sœur…” Comme si elle voulait me la présenter. J’ai pivoté sur moi même. Ou plutôt comme une porte. En marmonnant assez fort “non mais tu te fous de moi ou quoi” puis je suis allé embrasser d’autres personnes.
Puis on nous a appelé pour te suivre dans l’allée du cimetière. On a dit “la famille d’abord”.
T. est resté en retrait puis je lui a dit de venir, qu’il faisait partie de la famille.
Ils ont arrêté ton camion, ont positionné des tréteaux en métal et ont posé ton cercueil dessus. On s’est tous mis autour de toi. Il y a eu de la musique.
Adagio d’Albinoni je crois.
Ton fils a du avoir encore une raison de plus de détester ce morceau. Puis le “lac des cygnes”. Que j’ai trouvé un peu moyen. J’ai pensé à Hibernatus. ”Elle n’a pas souffert. Du tout du tout.” Je dois t’avouer que j’ai failli avoir un fou-rire. Heureusement ça tombait au moment ou V. racontait des anecdotes rigolotes à ton sujet dans un très joli discours (où elle racontait quelle mamie moderne tu étais, vu que tu ne semblais pas perturbée de parler à ton arrière petit fils par skype).
À ce moment là je t’ai vu tourner la tête et me faire un clin d’œil d’un air de dire “mais oui faut rigoler. Rien n’est triste”.
Le discours a fini.
V. t’a remercié et j’ai remercié V. à voix haute pour son discours. Ta fille A. a dit merci aussi. Elle avait l’air sacrément secouée. Elle pleurait en faisant des petits grognements comme un animal trop vieux.
Puis ils ont dit qu’on devait patienter, qu’ils nous appèleraient. Ils ont prit ton cercueil et l’ont fait descendre dans le trou à coté de celui de ton mari. Ils l’ont vachement penché. Ça a été ?
Puis on est passés devant toi te dire au revoir.
M. a jeté une poignée de pétales de roses et t’a fait un petit coucou de la main que j’ai trouvé adorable. Je t’ai dit au revoir aussi. Pétales de roses. Puis je me suis mis de coté. Est venu le tour de T. qui apparemment t’a promis de boire une goutte de whisky japonais à ta mémoire. Cachottiers. Puis il m’a rejoint et s’est mis à pleurer. Je l’ai pris dans mes bras devant tout le monde.
Puis on est sorti du cimetière. Je suis allé voir ton ami L. pour le remercier d’avoir été ton ami. En ressortant du cimetière on a dit au revoir a tout le monde. J’ai embrassé papa et il m’a soufflé a l’oreille, un “embrasse ta sœur” qui ne souffrait aucune contestation. Alors je l’ai fait. Je ne regrette pas.
Puis en partant ma mère nous a donné le faire part de décès. Je lui ai dit que demain j’étais a Bagneux. Elle n’a rien trouvé de mieux que de répondre “ben tu as gagné une journée”. Ce a quoi j’ai répondu que je m’en serais bien passé.
Voilà Raymonde. C’était ta dernière journée. Il a fait super beau. Merci encore. À plus tard. Et embrasse Eléonore s’il te plait. Amusez vous bien.