L’époque est triste, qui n’a plus à donner que le baiser du vide, la rumeur du néant.
L’homme du préalable agit avec humilité. Il empoigne le désir par les cheveux sans en reconnaître la représentation stérile. La mort des objets est pourtant le principe inférieur. Je fuis les signes qui rongent mon caractère, le déclin des usages qui font battre mon cœur. Le tourment manifeste de la peur contient la chance et la consécration indifférentes au monde. Ayant corrompu mon nom, je déclare l’effroi seulement dans ce que représente aux yeux des autres la pâle réalisation de soi. Je m’oppose à la poursuite des fortifications de l’âme, je m’enracine dans mon commencement. Le nécessaire passé est réparé à coup de sacrifices, je porte le linceul de ma parole révolue, l’irrévocable danger sans fondement que plus rien n’apaise.
À mes pieds le festin déployé hante mes dispositions, j’abandonne ma volonté à ma liberté vive, je blesse mes possibilités d’artificiels, mais je sais le secret sous la montagne. Je plonge mes mains dans le chaudron inerte de la vie secondaire, je remue le remords, la valeur refoulée. Ce qui est invisible est habité, et c’est bien plus qu’une simple manifestation de ma pensée.
L’illumination a ses avantages les soirs de tempêtes. Simplement, quand l’attention est captée par les rideaux du pouvoir, on alimente l’intime d’abstractions molles, des idées tenues par les anses, la nourriture fade des religions dégénérées qui s’occupent de remplir nos panses de brebis égarées. L’hexagramme brûle tandis que les dieux nous conduisent au véritable ennui ; on continue d’honorer toujours les mêmes pratiques, on réclame l’unité de l’opinion constituée pour faire croitre la superstructure, mais la civilisation ne saurait remédier seule aux vices cachés.
Des inconnus nous servent la soupe et on laisse à d’autres le soin d’accueillir les vrais prophètes.
Le pas des causes nobles s’éloigne sans qu’on y prête garde. Nous préparons sans le voir le retour des mauvais jours. Nous cultivons le fruit de notre travail de sape : voici le temps déjà de l’ordre revenu, de la déchéance de l’esprit. L’univers vient jusqu’à nos oreilles et nous ne l’entendons pas. Les heures impures s’écoulent sans qu’on y fasse rien : les peuples souffrent et on s’empresse de traverser pour se mettre à l’abri, avant de déverser sur eux nos noirs mensonges.
La douce clarté se trouve encore dans les livres, mais on ne s’offre plus que des réseaux sociaux. On partage l’humiliation, l’enseignement fait tache, l’intelligence est en fin de distribution. On oublie la lente maturation, on ne prend plus le temps de grandir. Un pas de côté pour éviter les flammes et on ne voit pas la noblesse du feu : on a perdu le sens commun.
Le sommeil est notre seul crime et nous le perpétuons.
Photo : tête monumentale de moaï, sculpture de l’île de Pâques. Musée du Quai Branly, Paris – novembre 2014
L’auteur n’est plus disponible, il se cherche une nouvelle forme
L'homme au mojo triste (pour Jim Morrison)
Tout est prêt
Exit Route
The motionless trip
The midnight rambler
The day I saw Paul McCartney
A light in the dark
Roadside