" Quand j'ai commencé, être écrivain belge c'était la honte "

May 16th, 2014, 2pm

« Je vis très mal de ma plume », constate amèrement Francis Dannemark. L’auteur est pourtant prolifique, avec plus de vingt romans publiés depuis 1981. Alors il s’est tourné vers le monde éditorial, en complément. « Je travaille pour la maison d’édition Le Castor Astral, dont le siège est à Bègles, en France », précise le romancier. Cette duplicité lui a permis d’apprécier deux mondes littéraires différents. Il porte un regard honnête sur la littérature belge francophone :

Pour publier en Belgique, seul un livre d’intérêt local peut marcher. Par exemple, sur la royauté. C’est un marché très petit, pour un public limité. Mais les bouquins qui ont besoin d’une audience plus large, comme les romans, doivent être publiés en France. 

Attaché à son pays, l’écrivain belge doit pourtant vendre dans l’hexagone s’il veut espérer survivre. Ainsi, la moitié des lecteurs de Francis Dannemark sont français. « Il y a de très bons écrivains en Belgique, mais quand ils sont en France, on oublie d’où ils viennent. Qui se souvient qu’Amélie Nothomb est belge ? », questionne-t-il en souriant (elle est née en 1966 à Bruxelles, ndlr). Il nuance :

Les mentalités ont changé. Quand j’ai commencé, être écrivain belge c’était la honte. Actuellement, la Belgique a la côte, les français aiment les belges. Bruxelles, c’est cool. Mais être un auteur belge n’est toujours pas un label de qualité.

Bruxelles regorge pourtant de talents. Francis Dannemark vante l’originalité des écrivains de la capitale -une caste dont il fait parti- qui possèderaient un style à part dans le pays. « Ils utilisent un français différent, avec une souplesse et une liberté qui n’existe pas dans le français de Paris, plus classique et rigide. On entend parler plus de trois langues dès l’enfance, des dizaines ensuite, soutient l’auteur. Ce n’est pas pour rien que la Belgique est le pays des surréalistes ».

Francis Dannemark aime le dynamisme culturelle de Bruxelles. Il cite la Passa Porta, une maison internationale des littératures qui hébergent des écrivains étrangers. Mais questionné sur ses inspirations, il nous emmène dans le Bruxelles du XXe siècle : « Jean Ray est un monument dans le domaine du fantastique. L’écriture de Marie Gevers m’a également touchée, avec son livre La comtesse des digues ».

L’écrivain n’est pas optimiste pour l’avenir du livre. Il retient son insouciance pour dresser le constat violent de la mort annoncée du roman. La faute à un marché en perte de vitesse dans les deux pays. « En 2013, chaque jour de l’année en moyenne, une librairie française a fermé. Les librairies belges ne vont pas mieux », analyse-t-il. 200 livres sont sortis lors de la rentrée littéraire en France en 1981. Une vingtaine d’années plus tard, il y en avait 1200. « C’est une folie ! Une catastrophe. Même mon chien sait qu’il n’y a pas eu six fois plus de lecteurs », s’emporte l’écrivain. Déployant lentement ses doigts dans un geste mesuré, il lance :

Dans un monde qui n’est plus que vitesse, lire un livre, c’est étrange et désuet.


Kévin said thanks.

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