Le tout va être de ne pas retomber dans des boucles de pensées morbides axées principalement autour de la non permanence des choses.
Je me suis rendu compte (j’ai réalisé, diront les plus paresseux d’entre nous) que j’étais un peu tombé dans ce travers.
Cela a duré quand même un bon moment.
Depuis 2008.
Depuis ton décès, Eléonore.
Mais cela passait inapercu. Cela ressortait comme ça, comme les doigts qu’on fait remonter du dessous de la surface de l’eau quand on prend un bain, s’imaginant microscopique personnage entre ces montagnes emergeantes et ruisselantes. Un truc vaguement effrayant et attirant mais dont on ne sait pas vraiment de quoi il retourne. Je commencais à prendre des notes, je commencais à prendre des photos argentiques, à noircir des carnets de dessins.
Je pensais être dans le bon sens de pensée.
Je prenais du plaisir à faire ça.
Plaisir immédiatement gaché par la pensée qui venait et qui était :
“Et qui va me lire ? Qui va trouver ça quand je serais froid ?”
Puis je suis retourné au Japon, puis j’ai discuté pas mal avec la mésange de ce qui lui était arrivé, puis j’ai écrit une carte postale du Japon à la mésange et à Raymonde. Puis j’ai rapporté du whisky à Raymonde.
Elle m’a remercié pour la carte et le whisky devait lui etre apporté le lendemain. Sauf que son coeur s’est arrété, dans la nuit, tôt le matin.
Et même si elle avait préparé la venue de cet évenement final (elle disait qu’elle commencait à trouver le temps long), même si elle est parvenue à appuyer sur le bouton pour faire venir les secours, même si ils lui ont massé la poitrine jusqu’a lui faire des bleus, elle n’a pu rien faire.
A mesure que j’écris ces mots je rapproche ça du séisme qui a eu lieu quand j’étais à Tokyo. J’ai le droit, c’est mon espace ici.
Je les rapproche sur la base du fait que l’on ne contrôle pas grand chose. Qu’on est moins que de la paille au vent.
Tout ça pour dire qu’au risque de me contredire, je vais peut être prendre plus de photos numériques, je vais peut être mettre moins de couleurs sur mes carnets pour les diffuser plus rapidement mais je ne vais surement pas diminuer mon flux ni garder les choses pour moi.
Et tant pis si certains esprits malades ou mal intentionnés pourront les utiliser contre moi. Je crois comprendre que le but du jeu n’est pas de faire de superbes carnets-photos-poemes-romans et qu’ils soient découverts une fois que votre cadavre sera refroidi.
Je crois comprendre une fois de plus que ce qui compte c’est d’aprécier le paysage qui defile par la fenetre même si on ne sait pas qui conduit, ni où est le terminus.

PS : Pardon pour tous les lieux communs.
PS 2 : J’espère que je ne sonne pas larmoyant, je ne le suis pas du tout en écrivant ces lignes. Je suis plutot léger.

credit photo : www.horizon-virtuel.com