Filière hors normes et quasi unique au monde, le cursus « Design du livre et du papier, Reliure » est toujours l’un des fleurons de l’école d’arts La Cambre à Bruxelles, et ce n’est pas l’invasion du numérique qui va la faire bouger de son abbaye.
Se rouler dans les jonquilles, couler ses journées entre les pans d’une vénérable abbaye, travailler dans de vastes et paisibles ateliers, tel est le quotidien de certains étudiants de La Cambre, école d’arts visuels très réputée à Bruxelles. Plongée dans un des dinosaures de l’école, la filière « Reliure, design du livre et du papier ». Bruits d’atelier.
Près des vieux fers à dorer qui datent de l’ouverture de l’école, en 1927, trônant près de l’entrée de l’atelier, on ne s’inquiète pas trop des remugles du monde. Dans cette filière ultra spécialisée, chacun est paisiblement à son travail d’incrustation, cours du jour, technique qui continue à être enseignée ponctuellement. Peur de l’essor du numérique à tout va et des liseuses à la mode ? Que nenni. Pour Anne Goy, professeure responsable de la filière et qui a elle-même suivi le cursus de La Cambre, l’essor du numérique ne fera pas retomber le goût pour le beau livre. Cette pensée semble assez partagée. Au contraire, le numérique est vu comme une voie pour d’autant plus de valeur au livre en tant qu’objet d’art, à l’effigie matérielle, à l’image de ce qu’il s’est produit dans la musique pour le vinyle. Dans la niche assez protégée de la bibliophilie, qui représente un marché certes restreint mais stable, l’invasion de la lecture numérique est même perçue comme une occasion de « faire le tri », et de « tuer enfin le livre de poche ». Effet positif donc.
Ils ne sont que 10 étudiants sur l’ensemble des 5 années de la filière. 9 filles et un garçon, qui ont choisi de travailler le papier, confectionner des livres entre des presses, apprendre les principes de la reliure d’emboîtage, bradel ou passé-carton, le cartonnage d’édition ou sertir le cuir. Avec en ligne de mire, la volonté de se réapproprier des techniques parfois ancestrales en guise de tremplin pour réaliser des créations contemporaines et des concepts nouveaux. Ici, point de pression. Chaque étudiant dispose d’une table personnelle à l’atelier qui donne sur le parc verdoyant de l’abbaye, au sud de la ville. Vitrine de l’école, défendue bec et ongles, la filière Reliure est une formation unique en Europe, qui n’existe quasi nulle part ailleurs dans le monde, disposant ainsi d’une renommée internationale. Travail hyper spécialisé et méticuleux, les étudiants sont triés sur le volet : 2 à 4 admis chaque année, même si la demande est assez restreinte, la sélection existe. Ils sont ensuite lovés dans un cocon où tout est amour de la littérature et réflexions métaphysiques sur le contenu et le contenant.
Mais les étudiants et les responsables de la filière ne sont pas pour autant de fêlés aficionados vivant reclus entre les hauts murs de leur abbaye. Certes la plupart des techniques de reliure ont conservé les bases d’antan, mais les nouvelles technologies sont utilisées aujourd’hui, ainsi que de nouveaux matériaux.
Anne Goy poursuit : « Nous ne sommes pas un conservatoire de techniques anciennes, on ne va pas enseigner quelque chose que personne ne veut ». Certains savoirs ainsi disparaissent. « Les étudiants n’apprendront jamais certaines choses que je sais par exemple ». La bibliophilie change, comme tout, elle subit des goûts cycliques, certaines techniques disparaissent pour réapparaître plus tard, différemment.
Alors, qui sont les clients de ces précieux ouvrages ? Il s’agit la plupart du temps de collectionneurs passionnés, qui passent commande à un relieur pour réaliser l’ouvrage de leurs rêves. Du fait de la précision, de la lenteur et de la minutie nécessaires, le travail peut être infini sur un livre. Mais la plupart des étudiants ne travailleront qu’exceptionnellement pour ce marché très précieux et rare. Il y a aujourd’hui de plus en plus de demandes venant d’autres domaines comme le graphisme ou la petite édition.
Aujourd’hui de nouvelles dynamiques sont enclenchées, on dépoussière les programmes, on décloisonne l’atelier, qui ne vit pas en vase clos au sein de l’école. On collabore avec d’autres filières artistiques, typographie, illustration et même stylisme. Pour autant, malgré ce mouvement d’ouverture, difficile de dire si la volonté d’élargir un peu le public amateur peut réellement être efficiente. Ce qui n’empêche pas ces futurs professionnels de ne pas ménager leurs espoirs et leurs efforts, les yeux tournés vers l’avenir.
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