Ni homme, ni femme

May 20th, 2014, 9pm

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A l’instar de l’homosexualité jusqu’en 1990, « être transsexuel » est toujours considéré par l’Organisation mondiale de la santé comme une maladie mentale. La législation belge encadre la démarche qui consiste pour une personne à changer d’identité. Discriminations, stérilisation forcée, et opérations non remboursées, les personnes transgenres se battent pour faire accepter leur différence. Etat des lieux à Bruxelles.

Pour l’administration belge, il est né dans la peau d’une fille. Didier* a la trentaine. Une barbe de trois jours, les cheveux courts, le jeune homme n’a pas toujours été perçu comme appartenant au genre masculin. Après plusieurs opérations et moyennant 490 euros, il a pu changer son prénom. Didier est transgenre.

A Bruxelles, faire partie de cette communauté, c’est appartenir à toutes les cases et à aucune à la fois. 100 000. C’est le nombre estimé de personnes transgenres vivant en Belgique. « Ici on n’utilise plus les termes de personne transsexuelle mais transgenre. Utiliser le mot transsexuel est une erreur. Alors que ce terme renvoie à l’orientation sexuelle, employer le terme transgenre renvoie à l’adoption de comportement différent de celui associé au sexe assigné à la naissance », explique Didier.

Vivre dans un monde binaire

Au sein de la société, les représentations collectives ont une influence sur l’imaginaire individuel et les stéréotypes. « On attend d’une fille qu’elle soit discrète, sage… les garçons ne doivent pas pleurer, savoir jouer des coudes… Les femmes sont censées remplir certaines fonctions stéréotypées, quand les hommes doivent en effectuer d’autres. L’organisation de la société occidentale est faite de telle manière qu’elle oppose de façon presque systématique féminin et masculin», indique Didier. Un certain nombre de personnes transgenres souhaitent n’être assignées à aucune case. Ni homme, ni femme.

En Allemagne et en Australie il existe un troisième genre. A la question de savoir s’il faut créer un tel statut en Belgique, Didier répond sans détour : « Non. On ne doit pas avoir à justifier qui l’on est. Etre un homme ou une femme ne se résume pas à avoir un pénis ou un vagin. » Etre transgenre aujourd’hui n’induit pas obligatoirement la volonté d’effectuer des opérations en vue d’une féminisation ou d’une masculinisation. Certains individus se distinguent uniquement en adoptant un code vestimentaire considéré comme appartenant au sexe opposé. D’autres personnes transgenres émettent le souhait d’effectuer des interventions chirurgicales en vue de faire coïncider leur identité de genre et leur sexe biologique. En Belgique, la loi du 10 mai 2007 sur la « transsexualité » encadre ces changements.

Stérilisation forcée

Avant toute modification de l’état civil, les déclarations d’un psychiatre et d’un endocrinologue attestant du souhait d’un changement irrévocable de sexe doivent être remises aux autorités. Au préalable à tout « changement de rôle » la législation belge contraint les personnes transgenres à suivre un traitement hormonal et à effectuer une stérilisation, soit l’ablation des parties génitales. « Pour changer de prénom, la loi ne devrait pas obliger quiconque à être stérilisé. Il s’agit bel et bien d’une stérilisation forcée. C’est contraire aux droits de l’Homme », s’insurge Didier. Dans son enquête publiée en février dernier, Amnesty International s’inquiète du sort réservé aux personnes transgenres dans l’Union européenne.

DSCF2160Philippe Artois, coordinateur au sein de l’association Tels Quels

A Bruxelles, l’association Tels Quels soutient les actions visant à lutter contre les discriminations envers les personnes transgenres. « La transition est une période charnière où les individus peuvent faire l’objet d’un traitement différencié parce que transgenre », précise Philippe Artois, coordinateur au sein de l’association. Les discriminations sont d’ordre moral ou physique. « Comme beaucoup de groupes minoritaires, les personnes transgenres peuvent subir moqueries et autres agressions verbales. Elles sont également susceptibles de rencontrer des difficultés quant à l’accès aux logements, aux loisirs… », ajoute Philippe Artois. La loi sur la « transsexualité » ne règle pas les questions de la vie courante. Aujourd’hui pour une personne transgenre ayant changé de prénom, il est impossible de faire modifier ces diplômes pour prendre en compte l’identité avec laquelle elle souhaite être désignée.

L’association Tels Quels épaule les personnes transgenres souhaitant porter plainte et sensibilise l’opinion publique aux luttes contre les discriminations. « L’une des dernières personnes qui est venue nous voir est fonctionnaire. L’administration publique avait perdu son dossier puisque classé par sexe au niveau national. Suivant que vous êtes un homme ou une femme vous avez le chiffre 1 ou 2. Cette personne avait changé de genre et son dossier s’est perdu, pendant plusieurs mois elle n’a pas pu toucher l’intégralité de sa pension. » illustre Philippe Artois.

Sept ans après la loi sur la « transsexualité », la Belgique reste profondément ancrée dans des normes stéréotypées de masculinité et de féminité. « Une évolution des mentalités doit s’opérer. Nous sommes dans une zone grise. Les conditions de vie des personnes transgenres peuvent être nettement améliorées. Etre transgenre ne doit plus être perçu comme une déviance. » affirme Philippe Artois.

  • Le prénom a été changé

Pour en savoir plus :

Tels Quels


Samuel said thanks.

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